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Un peu de science pour la route
6 mai 2015

Les paysages de Waddington

Ossau

En complément de la vidéo de Science Etonnante sur les cellules souches induites (c’est par là), je vous propose de découvrir l’une des homologies les plus fécondes pour comprendre la différenciation des cellules : les paysages (épigénétiques) de Waddington.

Commençons par le début : une montagne.

Posons au sommet de cette montagne une goutte d’eau. Elle pourra couler soit à droite, soit à gauche, sans grand effort. Mais une fois tombée, elle a fort peu de chance de remonter la pente. A chaque accident du terrain, de nouveaux choix s’offrent à notre goutte d’eau. La succession de ces bifurcations déterminera, au final, où elle arrivera.

C’est le principe de la ligne de partage des eaux : l’eau d’une averse tombant près de Langres peut alimenter, selon où elle tombe exactement, le Rhône, la Seine ou le Rhin. Et donc aboutir dans la Méditerranée, la Manche ou la Mer du Nord.

Quel est le rapport avec la biologie ?

L’idée de Waddington est que la différenciation progressive des cellules est homologue à la descente progressive de notre goutte d’eau. Au fur et à mesure de sa maturation, la lignée cellulaire se spécialise un peu plus, et se rapproche de sa destination finale (son état différencié). Une cellule qui apparaîtrait déjà différenciée (une cellule de peau, produit de la division d’une souche cutanée) serait déjà en bas de la pente, et n’aurait plus d’autre chemin que celui de cellule cutanée. Tout comme une goutte d’eau tombée dans l’estuaire de la Seine y restera jusqu'à atteindre la Manche, sans espoir de finir dans le Rhin.

L’une des idées fortes de l’homologie n’est pas seulement la différenciation progressive, mais aussi, voire surtout, la différence d’altitude de chaque embranchement successif. Différence d’altitude qui signifie que, pour changer de vallée, il faut repasser un col, ce qui n’est pas possible (pour une goutte d’eau). Et donc qu’on ne peut pas a priori repasser d’une cellule somatique à une cellule souche.

Les cellules souches induites par reprogrammation violent donc cette règle. Ce qui ne signifie pas que la règle soit fausse. Une goutte d’eau ne remonte pas toute seule jusqu’au col, mais on peut l’y emmener, moyennant une dépense d’énergie. Une cellule différenciée peut se dé-différencier moyennant un apport d’énergie et d’information (le cocktail de gènes concocté par Yamanaka).

De même qu'il existe différents cols à différents niveaux, il existe différents types de cellules souches.

Les cellules souches totipotentes, que l’on trouve dans l’embryon aux tous premiers jours du développement, sont encore au sommet de la montagne. Elles sont totalement indifférenciées et peuvent produire n’importe quel type de cellule, de la peau aux muscles en passant par les cellules sanguines ou cérébrales, et surtout elles peuvent reconstituer un organisme entier. Coupez en 2 un embryon de deux jours, vous aurez créé 2 jumeaux.

Très rapidement (vers le 4ème jour chez l'homme), les cellules souches perdent cette capacité à créer un organisme complet, et notamment la capacité à créer les cellules placentaires. Nous sommes toujours en haut de la montagne, mais une vallée déjà devient inaccessible. On parle alors de cellules pluripotentes, qui peuvent donner n’importe quelle cellule interne à l’organisme. C’est le type de cellule qu’a réussi à produire Yamanaka par reprogrammation.

Lorsque l’embryon se développe, les lignées cellulaires se spécialisent, et les cellules souches ne peuvent plus produire qu’un certain nombre de types cellulaires. Certaines donneront les cellules neurales, d’autres les cellules sanguines. On parle alors de cellules souches multipotentes. On en retrouve chez l’adulte, dans la moelle épinière notamment (les cellules souches hématopoïétiques, qui produisent globules rouges, globules blancs et plaquettes).

Enfin viennent les cellules souches unipotentes, qui restent des cellules souches (elles gardent notamment leur capacité à se diviser, sans vieillir) mais ne donnent plus qu’un type cellulaire (la peau, les os…). Plus de chemin de crète à suivre, plus de bifurcation possible. Nous sommes arrivés à l'Océan.

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